Qu’on aime ou déteste, l’histoire du hockey russe…

D’entrée de jeu, je tiens à vous prévenir, un peu à l’image de l’étiquette annonçant le public cible d’un film placée en évidence sur le boîtier…

Entre vous et moi, est-ce juste dans mon cas que cette étiquette sert davantage d’incitatif que de mise en garde? Surtout dans le cas de la musique qui a marqué mon adolescence et mon âge adulte. La grande majorité des disques qui m’ont marqué portaient la mention « parental advisory, explicit content ». Bref.

À l’image d’un avertissement sur un produit du tabac, je veux vous mettre en garde, je sais que le moment est fort mal choisi, mais ce texte que je vous écris, ici, je le mijote, depuis longtemps, dans ma tête, et j’ai un problème… Tant que je n’ai pas exploité une idée, que ce soit pour un texte ou une œuvre visuelle, elle ne me sortira jamais de la tête. Jamais. Même si je me propulse du PAM, à l’intérieur de ma tête, grâce à l’embout dans mon oreille, pas moyen qu’elle n’en sorte.

Je sais, j’ai essayé.



Ce texte qui jadis aurait été mis à l’index de façon majeure, avec un petit coup de pouce du clergé… Si vous cherchez le numéro de ce même clergé, il doit être dans l’annulaire. Ce texte porte donc sur les Russes ou les Soviétiques, dépendant de l’époque à laquelle je fais référence. Cependant, avec l’invasion de l’Ukraine par les Russes, puis toutes les sanctions qui ont été employées par les plus grandes compagnies de ce monde, je me sentais mal de rendre en quelque sorte hommage à ces joueurs russes.

En même temps, je ne m’épancherai pas davantage sur ce sujet, car le Hockey Herald n’est pas un journal politique, mais je ne sais quoi penser des sanctions imposées aux joueurs de ce pays. Quand tu t’es entraîné toute ta vie, pour un rendez-vous sportif qui ne reviendra probablement jamais, quand c’est cette année ou jamais, mais que, parce que le dirigeant de ton pays part en croisade… Alors que tu n’es peut-être même pas en accord avec cette guerre… J’ai un peu de mal à saisir, mais, du même coup, je comprends le concept que toutes les compagnies et toutes les compagnies font front commun et y vont de leurs sanctions dissuasives, dans la mesure de leur juridiction, mais je ne peux m’empêcher de ressentir de la sympathie pour ces athlètes qui n’ont rien à voir avec cette guerre, mais qui vont probablement rater la chance d’une vie, en raison de toute cette situation que je ne banalise d’aucune façon. C’est tragique et abominable ce qui se passe, de l’autre côté de l’océan. C’est d’ailleurs la fin de ma longue parenthèse à ce sujet. Revenons donc à nos moutons. Bêêê.

C’est donc dans cet esprit, celui d’aborder un groupe de joueurs qui a apporté énormément au sport que j’adore, le hockey, que je m’adresse à vous. C’est connu, j’en ai d’ailleurs parlé à moult reprises. Pour le commun des mortels, c’est lors de la série du siècle disputée en 1972 que le monde entier a pris connaissance de l’existence… Que dis-je, du talent des joueurs soviétiques. Je fais souvent référence à cet article de l’auteur Pierre Foglia : »C’était sûr que les superstars (les meilleurs joueurs de la Ligue nationale de hockey) allaient écraser les Russes. ». Pour reprendre une expression anglophone, le reste du monde s’attendait à « a walk in the park », une partie de plaisir. Oh que l’ambiance, au Forum de Montréal, a changé radicalement lorsque les Soviétiques qui, bien humblement, ont affirmé qu’ils abordaient cette série contre le Canada dans le but d’apprendre. Oh que ce sont les joueurs portant l’unifolié qui se sont fait donner une leçon. Le premier match s’est soldé par un pointage de sept à trois… Au Canada. Pour ceux qui ne le savaient pas, le Canada a raflé les honneurs de la série au cours du match ultime, à 34 secondes de la fin, grâce à un but de Paul Henderson… Et je ne saurais passer sous le silence le fait que Bobby Clarke a fracturé la cheville de Valeri Kharlamov, un attaquant soviétique qui semblait tout bonnement inarrêtable. Grâce à son prodigieux talent, il malmenait les plus grands défenseurs et les meilleurs cerbères au monde… Et peut-être de l’histoire. Le Canada a sauvé les honneurs, et c’est peu de le dire, mais à partir de ce moment, le monde entier savait que les Soviétiques jouaient au hockey et ils le faisaient extraordinairement bien.

Un peu plus tard, en 1980, j’ai d’ailleurs fait souvent allusion à ce moment, se tenaient les jeux olympiques de Lake Placid, aux États-Unis. C’est au cours de cette édition des jeux olympiques d’hiver que s’est produit « le miracle sur la glace ». Encore ici, c’est un euphémisme de le nommer ainsi. Les Soviétiques, qui remportaient presque tous les rendez-vous internationaux (il est à rappeler que, jusqu’en 1998, aux jeux olympiques de Nagano, les joueurs de la Ligue nationale ne pouvaient participer aux jeux olympiques) ont été vaincu par une équipe d’étudiants et de joueurs amateurs américains, car, comme dans le cas des joueurs canadiens, les athlètes appartenant à une formation de la LNH ne pouvaient y prendre part. Cette troupe qui a accompli l’impensable était menée par un homme de qui le monde entier apprendra le nom et le génie. J’ai appelé : Herb Brooks. J’en ai déjà parlé à quelques reprises, mais, si le sujet vous intéresse, je vous recommande le film « Miracle » mettant en vedette le grand acteur Kurt Russell. Au cours de ce film, il explique que, pour vaincre les Soviétiques, il faut apprendre à jouer comme eux, car des derniers ne s’en remettent pas au talent individuel de ses vedettes, mais tous ses joueurs mettent leur talent au profit d’un travail d’équipe. Les Soviétiques, à l’époque, adoraient contrôler le jeu, plutôt que de lancer la rondelle au fond de la patinoire pour ensuite aller la chercher. C’est ce système ajouté au talent de ses porte-étendards… À ce sujet il ne faut pas oublier celui qui, selon plusieurs, est le meilleur gardien de but de l’histoire, le spectaculaire Vladislav Tretiak. Les plus cyniques soulèveront le fait que Tretiak n’a affronté que très peu les joueurs du Circuit Campbell et du Circuit Ziegler, les prédécesseurs de Gary Bettman, c’est donc plus facile de garder une fiche impressionnante. Cet argument mérite, à mon sens, d’être tenu en compte, mais force est d’admettre que lorsqu’il a affronté ces mêmes joueurs, il n’a pas eu à rougir de sa prestation et il n’y avait pas que le Canada et les États-Unis qui savaient jouer au hockey. Déjà, à l’époque, la Suède, la Tchécoslovaquie et la Finlande constituaient déjà des formations redoutables. Celle-ci, Tretiak les a affrontées à plusieurs reprises et a brillé à plus d’une reprise. Parfois, la vie n’est pas simple comme une émission de La Fureur; il n’y a pas que deux équipes qui peuvent gagner. À titre d’exemple, en 1976, lors de la Coupe Canada, ce qui se voulait le deuxième chapitre de la série du siècle… Un peu comme « L’Empire contre-attaque »… La finale s’est jouée entre le Canada et… La Tchécoslovaquie, et il fallut un but d’anthologie marqué en surtemps par Darryl Sittler, pour dénouer l’impasse. Imaginez, plusieurs experts affirment que cette formation qui est celle du Canada, au cours de cette édition, est la meilleure équipe jamais formée dans l’histoire, et il leur fallut tout de même une période de prolongation, pour venir à bout des Tchécoslovaques. C’est donc dire à quelle point ces joueurs européens étaient redoutables.



Ces deux rendez-vous, la série du siècle et la Coupe Canada, ont eu pour effet de créer un engouement sans précédent pour les joueurs russes…

Et évidemment pour les vedettes des autres nations encore méconnues, mais dans ce présent article, nous nous concentrons sur les athlètes soviétiques.

Néanmoins, à titre d’information, savez-vous qui est le premier joueur russe (ou soviétique) a avoir joué dans la LNH? Il s’agit de David Schriner. Ce dernier est né en 1911, à Saratov, une province de l’Empire Russe. Schriner a remporté la Coupe Stanley à deux reprises, en 1942 et en 1946.

Toutefois, le premier joueur issu de l’école russe de hockey a avoir joué dans la Ligue nationale est Victor Nechayev. Il signa un contrat avec les Kings en 1980. Pour ce faire, ce dernier a marié une Américaine. Du même coup, il perdit sa citoyenneté soviétique. Malheureusement pour ce pionnier qui, lors de sa migration, a dû abandonner ses études et perdre sa nationalité, il ne jouera que trois rencontres sous les couleurs des Kings de Los Angeles. Par la suite, il sera rétrogradé dans les ligues mineures où il se blessa, de façon à devoir tirer un trait sur sa carrière.

C’est finalement en 1989 qu’un joueur soviétique, Sergei Pryakhin, signa avec une formation du Circuit professionnel nord-américain, les Flames de Calgary, avec qui il gagnera la Coupe Stanley… Tout en ayant l’accord de l’U.R.S.S., point important sur lequel Nechayev n’a pu compter, d’où le pourquoi il a dû prendre tant de risques, mais grâce à lui, une brèche s’était ouverte. Toutefois, il ne faut pas se réjouir trop vite. À l’image de lorsqu’on effectue un achat important, il faut lire les petits caractères. Afin que l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques donne son aval à la mise sous contrat de Pryakhin, ce dernier devait recevoir le montant colossal (pour l’époque) de 125 000$ par an… Et un 150 000$ supplémentaires qui ne devaient pas lui être versés personnellement, mais par l’intermédiaire de la fédération de hockey sur glace de l’U.R.S.S. C’est loin d’être parfait, mais c’est certainement le début de quelque chose, car désormais, il est maintenant possible de signer un accord avec une équipe de la LNH… En accord avec la Fédération soviétique de hockey.



Plusieurs observateurs avancent que c’est Pryakhin, plutôt que Fetisov, qui était selon plusieurs le joueur le plus susceptible d’écrire cette page d’histoire, qui a été le premier joueur soviétique à évoluer en Amérique, car Fetisov était un joueur trop important pour la formation de son pays. Les dirigeants auraient alors préféré tenter le coup avec un joueur de moindre importance…

Néanmoins, au risque de me répéter, on est encore loin de la coupe aux lèvres. Le 9 mai 1989… Ça ne fait pas 100 ans, là! … Alexander Mogilny, alors évoluant pour le CSKA de Moscou, alors le club de l’armée rouge, a demandé l’asile politique aux États-Unis. Lui qui était mobilisable, donc disponible en cas de conflit nécessitant l’intervention de l’armée. Ce geste hautement dangereux était presque synonyme de désertion. Son dossier a même été supervisé par le K.G.B., les services secrets soviétiques. Je rappelle que nous sommes en 1989! Mogilny dira : »J’étais champion olympique, champion du monde et triple-champion de l’U.R.S.S., mais je n’avais même pas un mètre carré de logement. Qui veut d’une telle vie? Et ces diplômes avec des médailles? J’ai quitté Moscou ruiné ». Toutefois, Mogilny a écrit une autre page d’histoire en devenant le premier capitaine d’une équipe d’origine soviétique. Il n’aura pu retourner en Russie qu’en 1994, soit cinq ans après sa défection.

Suite à l’effondrement de l’U.R.S.S., en 1991, il devint plus simple pour un joueur soviétique, maintenant joueur russe, de venir jouer en Amérique. C’est dès lors que la planète hockey assista à l’émergence de ces nouveaux virtuoses, eux qui jouent différemment, comme j’y ai fait allusion dans mon dernier texte en parlant des « Cinq Russes », ces cinq joueurs d’origine russe qui se sont alignés en même temps pour les Red Wings de Détroit en 1995. Cette idée de génie de la part du légendaire entraîneur Scotty Bowman consistait à envoyer sur la glace, en même temps, Viacheslav Fetisov (dont je vous parlais, un peu plus tôt), Vladimir Konstantinov, Vyacheslav Kozlov, Igor Larionov et Sergei Fedorov. C’est en partie grâce à une pareille idée que Détroit mit la main sur le précieux trophée en 1997 et en 1998.



Ce rêve qu’était, pour un athlète russe ou soviétique, de jouer dans la meilleure ligue de hockey au monde, ce rêve autrefois complètement utopique est maintenant chose relativement courante. Malheureusement, ce changement important de mentalité ne s’est pas opéré en un claquement de doigts. Messmer ne pratiquait pas encore à l’époque…

Grâce à l’abnégation, à la détermination, au courage de certains pionniers…

Grâce notamment au talent inexplicable de nombreux joueurs électrisants dont : Bure, Mogilny, Datsuyk, Fedorov, Ovechkin, Kovalchuk, Radulov, Kovalev, Gonchar et j’en passe des centaines…

Grâce aux amateurs nord-américains qui en redemandent, des artistes de la rondelle, des joueurs qui, avec leur talent surhumain, peuvent changer l’issue d’un match…

Grâce à tous ces ingrédients réunis, le hockey peut maintenant compter sur l’apport des joueurs russes. Je l’ai déjà dit : il me semble que c’est pire perdre contre la Russie que contre la Finlande, mais il faut leur accorder qu’à bien des positions, car ce n’est pas uniquement l’apanage des attaquants inarrêtables, ce pays produit d’excellents athlètes. Plus encore, avez-vous jeté un œil aux meilleurs gardiens du circuit ? En tête de lice, on y retrouve le double-champion de la Coupe Stanley, Andrei Vasilevskiy, puis les excellents : Shesterkin, Bobrovsky, Sorokin, Varlamov et Samsonov. Regardez bien, au cours des prochaines saisons, il va en arriver encore d’autres.

Jamais au grand jamais, je ne me prononcerai en faveur d’une quelconque guerre, mais ici, le temps d’un article, le temps de quelques centaines de souvenirs épars, je tenais à rendre hommage à un groupe de joueurs qui m’ont fait vivre une pléthore d’émotions partant de la joie la plus pure… À la tristesse la plus vive. À l’image d’un acteur qui réveille en nous, par son grand talent, des émotions d’une intensité insoupçonnée, il faut reconnaître un talent à cette équipe qui a changé le visage de notre sport.

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En Prolongation

Les deux font la paire


Crédit image entête, Northwestern.edu



Sources :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rie_du_si%C3%A8cle_1972

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Valeri_Kharlamov

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Miracle_sur_glace

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Herbert_Brooks

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Coupe_Canada_1976

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Clarence_Campbell

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Vladislav_Tretiak

https://www.journaldemontreal.com/2016/01/05/la-premiere-coupe-canada–une-passion-fulgurante

ÉPHÉMÉRIDE : Un premier Russe signe dans la LNH

https://fr.rbth.com/lifestyle/83179-russes-ligue-nationale-hockey

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/KGB

https://www.nhl.com/fr/news/classement-des-25-meilleurs-gardiens-pour-les-poolers/c-300953960

David Leboeuf
 

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