Mes Jeux olympiques à moi

Lorsque j’ai commencé à écrire pour le Hockey Herald, je ressentais le besoin de légitimer chacun de mes articles, de ne pas parler pour rien dire comme si le fait d’avoir un motif, un sujet logique, donnait une crédibilité au reste du texte. Puis, grâce à votre ouverture d’esprit avec votre respect de chaque instant, je me sens maintenant à l’aise de vous aborder et de jaser de n’importe quel sujet… Tant que c’est en lien avec le hockey ! Un de outils dont je me servais pour légitimer mes articles est l’éphéméride : soit ce qui s’est passé dans l’histoire de l’humanité au cours d’une date donnée. Ici, ce n’est absolument pas voulu, mais l’événement dont je veux vous parler s’est déroulé il y a exactement 20 ans. Comme on dit, tout est dans tout.



Souvent, quand les amateurs de hockey se prononcent à propos de leurs meilleurs souvenirs olympiques, un moment marquant ressort abondamment : le « golden goal » de Sidney Crosby en prolongation, s’il-vous-plaît, aux Jeux olympiques de 2010. Eh oui, chez nous, au Canada, à Vancouver. Oui, c’est vrai qu’il s’agit d’un moment mémorable, mais pour ma part, mon souvenir chouchou en lien avec les Jeux olympiques s’est déroulé en 2002, à Salt Lake City, chez nos voisins du sud.

Tout d’abord, comme dans toute bonne histoire qu’elle soit vraie ou fictive, je crois qu’il faut une bonne base, une bonne introduction. C’est important de se rappeler dans quel contexte s’est déroulée la légende, pourquoi ce qui suivra va marquer l’imaginaire, du moins, dans mon esprit. Pour ce faire, retournons en 2002…

Oh, mais quelle belle chemise en soie avec des dragons ! On jurerait qu’elle arrive de Chine ! Bon, je me concentre…

Même si je comprends le leitmotiv des dirigeants de la LNH comme quoi la participation de ses joueurs, plus particulièrement de ses vedettes, compromet les activités de tout le circuit, j’ai toujours trouvé aberrant que les meilleurs athlètes d’une discipline donnée, dans le cas présent il s’agit du hockey, ne puissent prendre part aux Jeux olympiques. C’est pour cette raison que, dans l’histoire des Jeux, les membres du circuit Bettman n’ont participé qu’à cinq éditions, soit celles entre 1998 et 2014. Au cours de ces cinq éditions, les porte-étendards canadiens de la Ligue Nationale ont remporté l’or à trois reprises. Le premier échec est survenu en 1998 à Nagano. (À ce sujet, je vous ai déjà parlé de ce moment où, en fusillade contre la République tchèque, l’entraîneur canadien, Marc Crawford, a préféré Raymond Bourque à Wayne Gretzky. La Merveille prit sa retraite, l’année suivante). Le deuxième échec des meilleurs éléments canadiens est survenu en 2006 à Turin. Au cours de cette désastreuse édition, le Canada, pourtant habitué à la plus haute marche du podium, a conclu le tournoi du côté masculin au septième échelon derrière la Suisse.

Entre ces deux brutales désillusions, surtout dues au fait que le Canada n’a même pas pu embarquer sur le podium, se sont tenus les Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002. Il y a peu de temps, je vous ai entretenu à propos de l’alignement canadien qui a été réuni dans le cadre de la Coupe Canada 1976, qui constitue selon plusieurs, la meilleure équipe jamais assemblée. Eh bien, celle qui a été réunie pour défendre l’unifolié en 2002, n’était pas piquée des vers non plus. Au sein de cette équipe mythique, pas moins de 12 joueurs sont maintenant membres du Temple de la renommée du hockey, dont: Mario Lemieux, Joe Sakic, Brendan Shanahan, Jarome Ignla, Steve Yzerman, Paul Kariya, Joe Nieuwendyk, Scott Niedermayer, Martin Brodeur, Al MacInnis, Chris Pronger, Rob Blake et le tout était mené de main de maître par le plus grand joueur de l’histoire de l’humanité, l’unique Wayne Gretzky. On s’entend que sur papier, cette équipe était intimidante. Quand on dit que « les autres » sont : Theoren Fleury, Mike Peca, Simon Gagné, Eric Brewer, Eric Lindros, Adam Foote, Owen Nolan, Ryan Smith, Ed Jovanovski et Curtis Joseph le Canada était en droit de viser haut.



C’est d’ailleurs avec cette même confiance, ou était-ce davantage de l’outrecuidance, que le Canada s’est amené à cette compétition en quête de rédemption et de preuve que le Canada est réellement le meilleur pays au monde à ce jeu… Qu’il a lui-même inventé. Vous savez, c’est important d’avoir foi en ses moyens, de croire en soi, ça transparaît dans notre travail, et ce, peu importe le travail. Néanmoins, comme dans toute bonne chose, il est crucial de ne pas tomber dans l’excès et la confiance n’y fait pas exception. S’il est vrai que l’angoisse peut inhiber jusqu’à 40 pourcent des capacités du cerveau, je crois que l’absence totale de stress doit comporter les mêmes risques.

Je n’oublierai jamais le premier match de cette compétition. S’il est vrai que l’adversaire, la Suède menée par le grand Mats Sundin, n’était pas un dernier de classe… il ne faut pas oublier qu’aux Jeux olympiques, on ne peut pas toujours affronter des derniers de classe. En même temps, lorsqu’on se prétend être la meilleure nation, ce problème ne devrait pas survenir trop souvent…

Toujours est-il que le Canada, un peu (surtout) après l’échec de Nagano, s’est fait déclasser par la marque de cinq à deux. Il me semble m’être dit : »pas encore… », à l’image de quand le Canadien a battu le record peu enviable du plus grand nombre de matchs perdus, après s’être donné une avance d’au moins deux buts. Au cours de cette autre saison difficile du CH, même lorsque le Tricolore menait par trois buts, je m’attendais au pire. En 2002, dans le cadre des Jeux olympiques, j’étais dans le même état d’esprit. J’étais convaincu de revivre le jour de la marmotte. Il y a de ces cicatrices qu’on croit disparues, mais qui se réveille au pire moment. L’échec précédent en était visiblement une. Pour ce match difficile, Joseph était l’homme de confiance. Malheureusement pour lui, c’est à ce moment précis qu’il s’est fait damer le pion par Martin Brodeur… Qui est loin d’être le dernier venu, il faut l’admettre.



Souvent, quand on parle de regard ardent, le nom de Maurice Richard revient systématiquement et pour cause. Il saute aux yeux qu’on pouvait lire en grosses lettres pas son désir, mais ce besoin vital de gagner. Suite à cette dégelée du Canada, vous auriez dû voir la photo de Wayne Gretzky, le directeur général de l’équipe, celui qui avait vécu Nagano de l’intérieur, celui qui n’aurait jamais la chance de se reprendre, contrairement à ses anciens coéquipiers qui, eux, étaient toujours sur la glace. Je n’oublierai jamais cette photo : le regard bouillant, les dents serrées, les poings crispés, les deux bras raidis, le long du corps. Gretzky était en furie. Je crois que s’il existe une chose pire qu’une souffrance donnée est cette même souffrance… Jumelée à l’impuissance. Du haut de sa loge, ou peu importe où il se trouvait, « the great one » a regardé l’équipe qu’il a lui-même construite se faire malmener, sans ne jamais pouvoir intervenir. Je suis persuadé qu’il y a eu un moment où il s’est demandé s’il devait embarquer sur la glace. Malheureusement, pour bien des raisons, c’est impossible. Il a donc dû assister impuissant à la débâcle, et c’est ainsi que s’amorça la ruée vers l’or.

Suite à cet électrochoc qui s’avéra nécessaire, le Canada s’est ressaisi et a joué comme tous les amateurs étaient en droit à s’attendre. Le Canada, qui termina la ronde préliminaire en troisième position dans son groupe derrière la Suède et la Tchéquie (autrefois, la République tchèque), s’est repris comme dans tout bon film, juste à temps. Les hommes dirigés par feu Pat Quinn ont vaincu, en quarts de finale, les Finlandais par la marque de deux à un.

S’il est vrai que le talent est indispensable aux plus grandes conquêtes, qui plus est aux dynasties, beaucoup vont s’entendre pour nommer un autre ingrédient important : la chance. À l’image de ce match auquel je reviens souvent, ce match qui opposa, aux J.O. Sotchi, en 2014, les Canadiens aux Lettons. Les Suédois, qui avaient surclassé les Canadiens en entrée de jeu, ont quant à eux perdu… Face aux Biélorusses. Encore aujourd’hui, je ne m’explique pas comment les Biélorusses ont pu vaincre les puissants Suédois aux Jeux olympiques. Quoi qu’il en soit, ce sont ces mêmes surprenants Biélorusses que le Canada affrontera en demi-finale. Cette fois-ci, la logique fut respectée; les futures légendes canadiennes ont pulvérisé leurs adversaires européens par le compte de sept à un, de façon à accéder à la grande finale au cours de laquelle ils affronteraient les Américains qui, eux non plus, n’avaient pas à rougir devant qui que ce soit.



Je n’oublierai jamais ce match; il s’agit probablement d’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de voir. Je me souviens de quand les Américains ont pris les devants suite à un superbe but de Tony Amonte. Par la suite, le reste appartient à l’histoire. Le Canada, qui avait eu du mal à trouver ses repères en levée de rideau, a marqué pas moins de cinq buts, dont un qui a marqué mon imaginaire au cours duquel Mario « le magnifique » laisse filer la rondelle entre ses patins et feinte de lancer. Le cerbère américain, Mike Richter, mord complètement à l’hameçon et s’étend de tout son long. Le problème est qu’un peu plus loin se tenait Paul Kariya fin seul… Devant une cage abandonnée. Cette séquence cristallise tellement plus qu’un simple but. Elle représente à merveille la sublime vision du jeu du 66 qui, même sans lancer, sans même toucher au disque, arrive à provoquer des grandes chances de marquer.

Il y a peu de temps, je vous ai d’ailleurs parlé du sujet, se tenait le weekend des étoiles du circuit Bettman. Dans ce cas, comme dans celui des Jeux olympiques, j’aime voir se créer le temps d’un instant, un peu comme une étoile filante, une équipe de rêve, une formation de légendes de laquelle on parlera pour des siècles et des siècles. Amen. À l’image d’une constellation, ce phénomène qui défie l’entendement est constitué à grandes proportions d’étoiles. En 2002, des étoiles… Il y en avait. Il fallait porter des lunettes de soleil, pour regarder le hockey. J’aime ces courts moments où des rêves, des souvenirs, de la magie se créent. Ce fut le cas en 2002. J’avais 14 ans. J’en ai 34, mais quand j’en parle, j’ai et j’aurai toujours 14 ans puisque, ces Jeux olympiques, ce sont mes jeux olympiques.

Quels sont les vôtres ?

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En Prolongation

Des étoiles sur la glace et dans les yeux


Crédit image entête, Comité olympique canadien



Sources:

https://www.rds.ca/videos/hockey/sidney-crosby-et-le-fameux-but-en-or-de-2010-30-ans-d-evolution-3.1336218

https://olympics.com/fr/olympic-games/vancouver-2010

https://olympics.com/fr/olympic-games/salt-lake-city-2002

https://www.nhl.com/fr/news/les-joueurs-de-la-lnh-ne-participeront-pas-aux-jeux-olympiques-2022/c-329207354

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hockey_sur_glace_aux_Jeux_olympiques

https://ici.radio-canada.ca/sports/special/podium-hockey-olympiques-nagano-canada-republique-tcheque-gretzky-hasek-barrage/

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hockey_sur_glace_aux_Jeux_olympiques_de_2006

https://www.quanthockey.com/olympics/en/teams/team-canada-players-2002-olympics-stats.html

https://www.uottawa.ca/gazette/fr/nouvelles/comprendre-combattre-effets-du-stress-cerveau-sante-mentale

Salt Lake City 2002

https://www.lapresse.ca/sports/sotchi-2014/hockey/201402/19/01-4740468-les-lettons-ont-cru-au-miracle-contre-le-canada.php



David Leboeuf
 

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