L’histoire invraisemblable de John Spano

Vous le savez, ce n’est pas pour me vanter, mais je connais bien l’histoire du hockey. Jamais je n’oserai me prétendre la science infuse par contre…

Je n’ai pas gradué à l’université de la vie…



Mais sans me vanter ni sans fausse modestie, je connais bien l’histoire du circuit Bettman et quelques événements marquants des circuits de second ordre. Cependant, la semaine dernière, lorsque j’ai écouté le documentaire « Big Shot » disponible sur la plateforme Disney+, j’ai été complètement renversé par l’histoire ahurissante d’un homme, John Spano, qui sans avoir pratiquement aucun dollar en poche…

Du moins, rien de comparable à la somme requise pour acheter une concession de la Ligue nationale, même en 1997 où l’histoire s’est déroulée…

Honnêtement, je me méfiais autant des suggestions de Disney que celles de l’ingénieuse compagnie Wish, mais bon, j’ai osé et quelle bonne idée ce fut. Grosso modo, Spano, en usant de: mensonges, magouilles, fraudes, des subterfuges abracadabrants et tous les moyens possibles et inimaginables, l’homme d’affaires américain a réussi à posséder une concession du circuit Bettman pendant plus de quatre mois.

L’histoire se déroule donc en 1997, à Long Island, dans l’amphithéâtre des Islanders de New York. Les Isles qui furent une puissance au cours des années 80, ces derniers qui ont d’ailleurs remporté quatre Coupes consécutives entre 1980 et 1983, n’en menaient plus aussi large au cours des années 90. Fait important à mentionner qui a judicieusement été relevé au cours du documentaire : le record du nombre de coupes Stanley consécutives appartient aux Canadiens de Montréal qui en ont soulevé cinq d’affilée, entre 1956 et 1960. Au deuxième rang se trouvent les Islanders du début des années 1980 qui en ont remporté quatre de suite. Mais! But!

…comme « mais » en anglais, pas comme là où la rondelle doit se faufiler pour marquer un point!



En 1960, il n’y avait que six équipes et deux rondes éliminatoires à remporter pour soulever la Coupe. En 1980, la Ligue comprenait 21 équipes et il fallait passer à travers quatre rondes éliminatoires pour mettre la main sur le même trophée…

Oui, il était beau avant que Aubé-Kubel n’abîme la carrosserie…

En tenant compte des grandes différences entre le nombre d’équipes et surtout la grande marge d’écart entre le nombre de matchs à remporter, c’est comme si les Islanders avaient remporté neuf Coupes consécutives, avec le contexte des années ’50. Et que dire du Lightning qui a réellement passé près d’en remporter une troisième de suite dans le contexte actuel.

Malheureusement, on me glisse à l’oreille que Corey Perry porte malheur et qu’une certaine pénalité pour avoir eu trop de joueurs sur la glace n’aurait pas été appelée. Je n’ai aucune idée de c’est quoi cette histoire…

Bon, OK….vous pouvez me le dire : number one, bullsh…. Biiiiiip!

Néanmoins…

Comme Pinocchio qui veut sentir de près la bonne odeur d’une scie mécanique…

« Nez en moins… »

Bon, OK, comme c’est un problème qui affectera tôt ou tard chaque formation de chaque sport, l’amphithéâtre devait être remplacé. Le Nassau Veterans Memorial Coliseum où jouaient les Islanders depuis 1972 se faisait vétuste et dépassé. Certains journalistes racontent même que lorsqu’il pleuvait à l’extérieur, bien il pleuvait aussi à l’intérieur. Voilà que nous sommes bien loin du T-Mobile Arena de Las Vegas ou même le Centre Bell, car nous sommes chanceux d’avoir accès à un si bel aréna…

Si vous ne me croyez pas, parlez-en aux Coyotes de l’Arizona…



Cette histoire n’est pas sans me rappeler les quelques fois où les matchs du club de soccer Montréal FC…

Oui, l’équipe qui avait le même logo qu’une équipe de ski de fond!

Ces quelques joutes qui avaient initialement lieu à l’intérieur du Stade olympique, mais qui ont dû être reportées ou déplacées, car il neigeait ou ils annonçaient de la pluie verglaçante… À l’extérieur…

Mais le match avait lieu à l’intérieur!

Bref.

C’est donc à l’ombre des riches voisins de New York, les glorieux Rangers qui venaient de remporter une Coupe Stanley, il y a seulement trois ans, que les Islanders et leur équipe de direction étaient à la recherche de solutions. Eux qui avaient connu leurs heures de gloire, en grande partie grâce au « Trio Grande », le trio formé par: Mike Bossy, Bryan Trottier et Clark Gillies, et au brio du gardien de but Billy Smith, avaient peine à entretenir la flamme et à garder l’engouement des spectateurs et des télédiffuseurs qui, déjà à l’époque, étaient le nerf de la guerre.

Honnêtement, le Canadien de Montréal n’a rien à envier à bien des équipes sur le plan financier, se tenant au troisième rang au niveau des valeurs marchandes des concessions de la Ligue avec une valeur de 1,6 milliard de dollars…

Et dire que, en 2009, Geoff Molson a acheté l’équipe pour la coquette somme de 500 millions de dollars. C’est un euphémisme de dire que ce fut un pari rentable!

Devant les Canadiens se tiennent, au premier rang, les Rangers forts d’une valeur de 2 milliards de dollars américains et les Maple Leafs qui valent 1,8 milliard de dollars.

D’un certain sens, je ne peux que comprendre ce soin jaloux, ce désir maladif, d’entretenir le souvenir d’un glorieux passé. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’a souvent agacé de la part de la direction du Canadien, ce soin quasi maniaque de conserver à tout prix une image sainte et sacrée basée essentiellement sur les triomphes d’il y a fort longtemps. Pour garder cette image immaculée, jamais la direction n’osait quoi que ce soit. Jamais au grand jamais la direction n’aurait autorisé quoi que ce soit qui aurait potentiellement pu nuire à cette image sans taches. Alors que toutes les équipes font preuve d’audace, tant par le biais de leurs couleurs et uniformes que leurs promotions et par l’entremise de leurs équipes de réseaux sociaux, alors que tout le reste de la Ligue s’est mis à l’heure de la modernité, le Canadien qui prend un soin jaloux d’entretenir ces souvenirs d’une autre époque…

Mais, du jour au lendemain, ils ont semblé vouloir changer leur image en repêchant Logan Mailloux, celui-là même reconnu coupable dans le cadre d’un scandale à caractère sexuel et qui avait lui-même demandé aux 31 formations de la ligue de ne pas le repêcher. Comme s’ils s’étaient dit : » Les partisans pensent qu’on n’ose jamais rien, à Montréal? Tiens ma bière… »



C’est un peu comme ce triste match duquel je vous parlais, il n’y a pas si longtemps, au cours duquel aucun joueur québécois n’était en uniforme pour le Canadien, une première en plus d’un siècle. Après ce jour, Bergevin avait donné un spectaculaire coup de roue en allant chercher : David Savard, Mathieu Perreault, Cédric Paquette, Samuel Montambeault et Joshua Roy. « Ils pensent qu’on ne veut pas de joueurs québécois? Tiens ma bière… » Comme avec bien des gens, dont je suis, « c’est toute ou pantoute »

C’est donc dans ce lourd climat qu’est apparu tel un sauveur, John Spano. Honnêtement, cette histoire, pendant que je l’écoutais, me faisait très mal, car elle me rappelait le douloureux souvenir d’un certain Jeffrey Loria, celui qui avait promis de sauver les Expos de Montréal. En effet, en 1999, Loria, un homme d’affaires américain ayant fait sa fortune notamment comme marchand d’art, s’était porté acquéreur des Expos. Comme c’est souvent le cas, il a promis mer et monde, et il fut alors accueilli en véritable sauveur. Dans ce cas aussi, l’histoire est digne d’une tragicomédie. Une fois que Loria fut propriétaire des Expos à 92%, le spectacle commença. Alors qu’il était propriétaire des Expos, Loria se porta acquéreur des Marlins de Miami. C’est à Miami qu’il emporta: tous les ordinateurs appartenant aux Expos ainsi que tous les équipements n’arborant pas le logo de Montréal…

et certains équipements qui le portaient… Les équipements de bureau, les documents relatifs au dépistage et autres documents confidentiels.

Oui, oui.

Il a aussi emmené en Floride, au sein d’une équipe rivale, toute l’équipe de direction des Expos ainsi que toute l’équipe d’entraîneurs.

Oui, oui.

Après ce moment, ce ne fut qu’une triste et pathétique agonie. Vous savez, on parle souvent de mourir dans la dignité; les Expos n’ont pas eu cette chance. Deux ans après que Loria ait acquis les Marlins, les Expos étaient devenus les Nationals de Washington, mais non sans avoir dû recourir à des entraîneurs grapillés un peu partout, car le personnel d’entraîneurs se faisait maintenant dorer la couenne en Floride… Et en ayant passé par une garde partagée entre Montréal… Et Porto Rico!

.. Oui, Madrid c’est près de Drummondville, mais Porto Rico, ce n’est pas à la porte!

Rajoutez à cette tragédie grecque avec quelques gags burlesques que la Ligue de baseball a voulu unir les Expos et les Twins du Minnesota, une autre franchise agonisante. C’est connu : si tu vois quelqu’un qui se noie, dépose une autre personne ne sachant nager dans ses bras. Ensemble, ils vont apprendre à nager… Ou couler en même temps…

Vous voyez un peu quel genre d’homme était Jeffrey Loria, lui qui était pourtant perçu comme un sauveur? C’est exactement ainsi qu’était vu l’homme d’affaires John Spano. Lors du retrait du numéro 9 du légendaire Clark Gillies, le sept décembre 1996, le robuste membre du Trio Grande a personnellement rendu hommage à Spano, le sauveur de Long Island. C’est peu dire!

Évidemment, vous vous en doutez bien; ce subterfuge ne pouvait durer éternellement… Mais il a quand même duré quatre mois! Ce n’est pas la même durée que la diffusion des Feux de l’amour, mais c’est beaucoup plus que le nombre de jours où on n’entend pas une nouvelle frasque d’Evander Kane. Dans la vie, tout est relatif! Toutefois, entre le moment où la vente des Islanders a été entérinée par la Ligue…

Cependant, la somme de 165 M$ devait évidemment être versée…



… Et le jour où le pot aux roses a été découvert, Spano a usé de plus d’imagination et de créativité pour toujours repousser la date du paiement dans l’attente d’un miracle ou d’une substantielle entrée d’argent. Par exemple, de bonne foi, l’ancien propriétaire monsieur John Pickett, avait accepté d’être payé par versements égaux de 17 M$. Lors du transfert, Spano a envoyé 1 700$. Quelle malchance, il n’avait pas mis la virgule à la bonne place!

… Et il a recommencé avec un virement de 5 000$ au lieu de 5 000 000$. Qu’il est malchanceux!

Une autre fois, il prétexta que ses fonds étaient gardés en fiducie dans une banque située en Irlande du Nord où, comble de la malchance, un attentat a été perpétré dans le cadre du conflit nord-irlandais. Pour cette raison, tous les échanges boursiers avaient été stoppés et le virement ne pouvait s’opérer.

Pendant ce temps, Spano menait une vie de débauche où affluaient toutes les dépendances et tous les vices imaginables. Comme il n’était pas gêné, ce n’étaient pas des vices cachés…

Néanmoins, cet arnaqueur qui a, contre toute attente, réussi à flouer: les anciens propriétaires, la ligue menée par un jeune Bettman nouvellement en poste et même plusieurs grandes banques qui, sans la moindre recherche, étaient prêtes à lui consentir plusieurs millions de dollars. De son propre aveu, il a eu plus de difficulté à passer au crédit pour sa première voiture que pour emprunter 80 M$ à la Fleet Bank de Boston et pour se porter acquéreur d’une franchise de sport professionnel. Chose sûre, il aura surtout appris à beaucoup d’institutions, dont le circuit Bettman, l’importance de mener des recherches quant aux potentiels acquéreurs. Il y a fort à parier que ce fut notamment plus complexe à la Fleet Bank pour négocier un prêt…

À un certain égard, je trouve dommage que son manège ait pris fin, car il ne voulait que rendre ses lettres de noblesse à une équipe en perdition, mais il ne les avait pas, les millions. En même temps, je ne suis pas en train de dire que je prône la fraude et les magouilles financières, surtout avec tous les efforts que j’emploie pour amasser des sous qui s’envolent plus vite que les mouettes quand j’arrive dans la cour du McDo. Je dis juste que cet homme a risqué beaucoup, dans cette entreprise digne d’un documentaire de Disney…

Oh, c’est le cas.



Il a risqué beaucoup et a été pincé. Pour cette histoire abracadabrante, il a été incarcéré pour 71 mois. Toutefois, quand ils racontent que, après cette histoire, il a plaidé coupable à plusieurs reprises pour d’autres magouilles et d’autres types de fraude, ma compassion envers le preux chevalier n’ayant que pour unique but de sauver une équipe de hockey s’est envolée encore plus vite qu’un volatile apeuré.

Au final, cette histoire d’imposture et de rêves déchus n’aura pas eu que des conséquences négatives. Dans le cadre de son court règne, Spano et Pickett, qui était encore dans le dossier (heureusement) jusqu’au paiement complet et sans fautes de virgules.

Non, je ne fais pas allusion au personnage de Passe-Partout…

De concert, les deux hommes ont négocié une lucrative entente pour des droits de télédiffusion avec la chaîne SportsChannel New York. Aux dires de certains, c’est grâce à cette entente que les Islanders existent encore. De plus, Pickett, qui en a vu de toutes les couleurs avec Spano, a vendu par la suite son club 30M$ de plus que la somme demandée à Spano, à l’homme d’affaires Charles Wang…

Oui, celui-là même qui a consenti un contrat de 15 ans et 67.5M$ à Rick DiPietro et un pacte de 10 ans à Alexei Yashin en 2001 qui fut racheté en 2007, mais ça, c’est une autre histoire. D’autant plus que monsieur Wang est malheureusement décédé, donc il serait bienvenu de le laisser tranquille. En tout cas, quand il voit ses Islanders dans leur aréna tout neuf, il doit être bien fier, mais doit se demander ce qu’il adviendra de son club, maintenant que Barry Trotz a été remercié, mais ça aussi, ce sera le sujet d’un autre article…

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En Prolongation

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?




Crédit image entête, Vic DeLucia/The New York Times

Sources :

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Islanders_de_New_York

https://www.nhl.com/islanders/

https://www.danslescoulisses.com/le-canadien-de-montreal-vaut-desormais-16-milliard-de-dollars/#:~:text=Ce%20n’est%20pas%20une,solides%20et%20%C3%AAtre%20tr%C3%A8s%20riche.

https://www.journaldemontreal.com/2021/12/08/classement-de-forbes-les-canadiens-derriere-les-rangers-et-les-leafs#:~:text=Les%20Maple%20Leafs%20de%20Toronto,(1%2C3%20milliard%20%24).

https://www.lighthousehockey.com/2015/6/16/8789089/alexei-yashin-islanders-captain-buyout-over-off-the-books

Ne pas signer Logan Mailloux pour récupérer un choix au repêchage ?

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Logan_Mailloux

https://www.journaldemontreal.com/2021/05/10/une-premiere-en-112-ans

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Jeffrey_Loria

https://syndication.bleacherreport.com/amp/275561-how-jeffrey-loria-destroyed-the-montreal-exposwashington-nationals.amp.html

https://en.m.wikipedia.org/wiki/John_Spano

http://www.espn.com/30for30/film/_/page/bigshot

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Saison_1980-1981_de_la_LNH

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9ries_%C3%A9liminatoires_de_la_Coupe_Stanley_1980

https://www.tvasports.ca/2022/02/21/verglas–le-match-du-cf-montreal-reporte#:~:text=La%20d%C3%A9cision%20du%20Parc%20olympique,soir%20%C3%A0%2018%20h%2015.&text=%C2%ABPlus%20de%203%20mm%20de,survient%20pour%20le%20onze%20montr%C3%A9alais.

https://www.lapresse.ca/sports/soccer/201403/21/01-4750149-le-match-douverture-de-limpact-reporte.php

https://www.985fm.ca/nouvelles/sports/428328/20-ans-avant-la-garde-partagee-il-y-avait-la-dissolution

ÉPHÉMÉRIDE : Le premier match des Expos à San Juan, Porto Rico

https://www.nhl.com/fr/news/deces-de-clark-gillies-a-lage-de-67-ans/c-330040364

https://www.rds.ca/un-fraudeur-voulait-acheter-les-islanders-1.347328

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Conflit_nord-irlandais

Il y a 10 ans, Rick DiPietro signait le plus long contrat de l’histoire avec les Islanders

https://en.m.wikipedia.org/wiki/Charles_Wang

https://www.sportsnet.ca/nhl/article/islanders-fire-head-coach-barry-trotz/

David Leboeuf
 

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