Joel Edmundson: En as-tu vraiment besoin?

Je dis toujours qu’il faut attendre de laisser la poussière retomber avant de juger correctement la signature d’agents libres ou les échanges dans la Ligue nationale. Et pour cause! La LNH, depuis l’implantation du plafond salarial ferme (Hard salary cap) est une ligue où l’argent est maître et les bons investissements sont au coeur des conquêtes de la coupe Stanley. Il faut donc analyser les besoins à combler par l’équipe, les qualités offensives et défensives du joueur, mais surtout: est-ce que j’en ai pour mon argent?!

Les dynasties des dernières années se sont toutes démarquées par des joueurs au rendement supérieur à leur salaire par rapport au reste de la ligue. Il suffit de penser à la dynastie des Hawks alors que Toews et Kane évoluaient avec un contrat de « transition » à 6,3M par année. Les Kings avec un Kopitar au sommet de son art à 6.8M. Finalement, le coeur de la dynastie des Penguins, le superstitieux Sidney Crosby, qui accepte un « maigre » salaire de 8,7M par année alors que les vedettes autour de lui signent à plus de 10M par année.

Bien qu’il soit tout à fait injuste de comparer Joel Edmundson à n’importe qui de cette liste, il en va de cette logique d’analyser si le grand défenseur gaucher est un bon investissement pour Marc Bergevin et son organisation. Rappelons que le contrat de celui-ci est de 12M pour une durée de 4 ans (3,5M AAV)

Il faut admettre d’entrée de jeu que le défenseur manitobain répond à un manque criant chez le Canadien de Montréal, soit des défenseurs gauchers de qualité. Quand on pense que Ben Chiarot est notre défenseur #1 sur ce flanc, il est normal que certains partisans souhaitent encore voir un vieil Andrei Markov sur un genou faire un retour avec la Sainte Flanelle.

Toutefois, avec les dernières séries de Brett Kulak, la venue imminente de la jeune sensation russe Alexander Romanov et les différentes allées et venues de Victor Mete, il apparaît y avoir congestion de « talent moyen » à gauche. (À moins que cette signature indique la fin pour Mete… à suivre.)

Un autre besoin criant du CH était de mettre la main sur quelqu’un pouvant amener de la  créativité sur le jeu de puissance (17,74% d’efficacité versus 20,03% pour la moyenne de la ligue). Le grand Edmundson a totalisé un maigre 9 minutes de jeu en avantage numérique lors de ses deux dernières saisons. Inutile de croire qu’il sera un atout à ce niveau.


Bien que Joel Edmundson fût déjà identifié par le duo Bergevin/Julien comme le partenaire de jeu de Jeff Petry sur la deuxième unité pour commencer l’année, ce sont ses performances sur la glace qui détermineront s’il sera toujours assis dans cette chaise à la fin de la saison. En plus de ses prestations physiques à 5 contre 5, on nous le vend comme un bon joueur de désavantage numérique qui n’a pas peur de bloquer des rondelles.

Malheureusement pour nous, bloquer des rondelles n’est pas toujours synonyme de bien jouer défensivement, comme le démontre ce graphique:

L’an dernier, Edmundson a été le moins bon joueur des Hurricanes sur le désavantage numérique, accordant une augmentation d’espérance de buts marqués par l’équipe adverse de 7% sur la moyenne de la ligue, 18% de plus que lorsque ses coéquipiers sont sur la glace sans lui. Vous pouvez également remarquer le volume des tirs décochés à la gauche du but et du milieu des cercles (Mauve = pas beaucoup de lancers, Or = Beaucoup de lancers). C’est donc dire que Joel Edmundson défend bien mal son côté de la glace en désavantage numérique et permet à l’adversaire de décocher des tirs de qualité dans les zones dangereuses.

À 5 contre 5, son manque de rapidité et son jeu de transition quelque peu défaillant rendent difficile la création de bonnes chances de marquer. Il compense en quelque sorte avec un lancer frappé digne des grandes ligues qui peut surprendre un gardien à la vue voilée. De ce côté, c’est certainement une amélioration sur le petit #53. Défensivement, disons que c’est plus difficile pour le grand gaillard de 6’4 alors que son manque de fluidité et sa prise de décision parfois douteuse (appliquer de la pression alors qu’il n’y a personne derrière, compléter une mise en échec qui le sort du jeu, laisser trop d’espace dans des situations d’homme à homme de peur de se faire battre sur un pivot) en font de lui une nuisance. Bien que souvent utilisé sur une deuxième paire au cours des dernières années, il présente de bien meilleurs résultats lorsqu’utilisé comme 5e défenseur et lorsqu’on limite ses apparitions contre des joueurs de premières lignes, comme à sa dernière saison avec Saint-Louis alors qu’il fût souvent utilisé sur une troisième paire avec Robert Bortuzzo.

Il faut également mentionner que rares sont les défenseurs qui présentent des statistiques impressionnantes à tout niveau! Certains compensent leur manque d’attaque par une défensive étanche alors que d’autres sont tellement axés sur l’offensive que leur positionnement défensif est compromis. Il faut également prendre en considération la qualité des adversaires et les responsabilités qui sont données aux joueurs. Bien qu’il soit fréquent pour un défenseur de ce gabarit de ne pas générer plus d’offensiveque la moyenne, il est surprenant et décevant de les voir allouer des chances de marquer en plus grande proportion que le reste de la ligue.

Dans le cas présent, les statistiques semblent nous dire que Joel Edmundson est un joueur trop souvent utilisé sur une deuxième paire et que les responsabilités défensives et offensives associées à ce rôle sont en quelque sorte trop pour lui.

Mais qu’en est-il de son contrat? Quels sont les comparables et est-ce que nous avons payé un juste prix pour un 4e/5e défenseur?

Lorsque j’ai fait mes recherches, j’ai été relativement surpris de voir qu’il y avait bien peu de comparatifs dans le cas de Joel Edmundson. Je recherchais des joueurs ayant signé des contrats à titre d’agent libre, entre les âges de 25 et de 30 ans pour une durée indéterminée avec un salaire oscillant entre 3 et 4 millions. Les joueurs ayant signé un contrat correspondant à ces critères lors des 4 dernières années sont:

  • Marco Scandella (Blues de Saint-Louis, 2020, 3,275M)
  • Patrik Nemeth (Red Wings de Détroit, 2019, 3M)
  • Ben Chiarot (Canadiens de Montréal, 2019, 3,5M)
  • Erik Gudbranson (Canucks de Vancouver, 2018, 4M)
  • Michael Del Zotto (Canucks de Vancouver, 2017, 3M)
  • Michael Stone (Flames de Calgary, 2017, 3,5M)
  • Kris Russel (Oilers d’Edmonton, 2017, 4M)

Avec la centaine de contrats qui se signe à chaque année dans la LNH, il est en effet surprenant de voir aussi peu de contrats répondant à ces critères. Toutefois, lorsqu’on y réfléchit plus longuement, on s’aperçoit que les défenseurs élites commandent un salaire de plus de 8 millions. Les 2e et 3e défenseurs ont des contrats oscillant entre 5,5 et 7,5 millions alors que les quatrièmes défenseurs signent généralement des ententes de plus de 4 millions, connaissant la valeur inestimable d’un bon défenseur de 2e paire.


Tous les joueurs sur cette liste ont eu de la difficulté à s’établir efficacement sur une deuxième paire et ont éventuellement changé d’équipe afin d’obtenir le rôle et le contrat qu’il recherchait (sauf peut-être Kris Russel, pour qui 4M en 2017 valait sensiblement plus d’argent). Un scénario relativement rare qui se réalise lorsqu’un joueur arrive à la croisée des chemins, où il n’a pu convaincre son équipe qu’il était la solution à long terme sur une deuxième unité défensive et où ses qualités ainsi que son récent temps de jeu lui permettent de négocier à son avantage avec une autre équipe. L’équipe qui laisse aller ce joueur se tournera vers un jeune plus talentueux qui a pu se développer et est prêt à remplir un rôle plus important, un agent libre d’une plus grande qualité, ou un joueur de calibre relativement moindre, mais commandant un salaire de moins de 2M par année.

Au-delà de cette situation particulière où le joueur se retrouve entre deux chaises, il apparaît beaucoup plus clair dans le cas d’Edmundson que sa véritable chaise se retrouve sur un troisième duo de défenseur. En effet, vous verrez en annexe les différents tableaux indiquant l’impact à 5 contre 5 de chacun des comparables de Joel Edmundson, vous constaterez que tous affichaient de meilleures performances avant de signer un tel contrat, entre autres Ben Chiarot qui venait d’enregistrer sa meilleure saison en carrière à 5 contre 5, tout en étant utilisé plus de 19 minutes par match pour la première fois de son parcours en LNH.

Peu importe le scénario, je ne crois pas qu’il y en ait un qui justifie la décision de Marc Bergevin. Advenant le cas que Kulak régresse et que Romanov ne s’adapte pas bien à la glace nord-américaine, le Bleu-Blanc-Rouge aura un 4e défenseur sous-performant à la gauche de Petry. Si le jeune russe surprend ou que le #77 du CH progresse, nous paierons un défenseur de 3e paire glorifiée, la lucrative somme de 3,5M pour 4 longues années.

Entre l’arbre et l’écorce, la meilleure décision aurait été de faire preuve de patience. Joel Edmundson nous permet de cocher une case sur la « to-do list » mais est-ce qu’il la remplit bien? Est-ce trop cher payé dans la LNH d’aujourd’hui?


Pour reprendre un comptable populaire; Joel Edmundson, en as-tu vraiment besoin?

Annexe

 

Marco Scandella

Patrick Nemeth

Ben Chiarot

Erik Gudbranson

Michael Del Zotto

Michael Stone

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Crédit image entête, Cardiaccane.com (Gregg Forwerck/NHLI via Getty Images)



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