Une comparaison boiteuse…

Ce matin, on a porté à mon attention un texte dans lequel on s’amuse à comparer John Gibson, et son nouveau contrat, à Carey Price. Évidemment, quand on vise d’abord les clics, on rapporte nécessairement tout au Canadien. Bref, à travers les quelques lignes de son papier, l’auteur – non content de comparer les statistiques des deux gardiens (!) – s’amuse à reprocher à Marc Bergevin d’avoir octroyé 10.5M par saison à son cerbère étoile… En y allant de surcroît d’un titre condescendant et complètement injustifié. À savoir : « Encore une fois, à quoi pensait Marc Bergevin ? » Vite de même, je dirais qu’il pensait d’abord et avant tout à s’entendre avec l’un des meilleurs gardiens de la ligue, et le visage de son équipe. Je dis ça, je dis rien.



D’entrée de jeu, je n’ai jamais caché que je n’étais pas le plus grand fan de Carey Price, aussi bon soit-il. Cela dit, il y a une marche à (ne pas) franchir, avant de commencer à comparer un jeune gardien qui vient d’avoir 25 ans et qui a 178 matchs derrière les pads à un vétéran de 30 ans (il aura 31 le 16 août prochain) qui en compte 558…

Déjà, le portier des Canards a seulement 3 saisons de 40 matchs ou plus, tandis que l’homme masqué du Tricolore en totalise 9. En plus d’en avoir cumulé 39 durant la saison écourtée. Sans compter qu’il a été limité à seulement 12 matchs, en 2015-16, en raison d’une blessure au genou droit. Bref, au moment de signer son dernier contrat, Price était déjà un gardien établi et il venait de remporter 4 trophées, deux ans auparavant : En effet, en plus du Vezina et du Jennings, le britanno-colombien a ajouté le Hart Memorial et le Ted Lindsay à son tableau de chasse. En plus de débuter la saison suivante en force, avant de devoir déclarer forfait. 

Un palmarès sur lequel Gibson ne pouvait pas se reposer pour négocier sa nouvelle entente, qui entrera en vigueur en 2019-20. Sauf pour le Jennings (remis annuellement au(x) gardien(s) ayant accordé le moins de buts à travers la LNH/minimum de 25 matchs), en 2015-16, alors qu’il partageait le filet avec Frederik Andersen. Qu’on se comprenne, vous avez le droit de préférer Gibson à Price, je m’en fiche…

Mais, au moins, faites l’effort de prendre la situation dans son ensemble, avant de comparer les contrats de ces deux-là… Ça manque de sérieux, en partant, d’ignorer le fait que Gibson allait devenir RFA, et non pas UFA, au terme de la saison à venir. Il s’agit pourtant d’une donnée de taille à tenir en compte, lorsqu’on veut évaluer la teneur d’une nouvelle entente. À moins d’être un joueur d’exception, à la McDavid…

Qu’on soit d’accord ou non avec le montant, il est à peu près certain – à mon avis – qu’un autre DG aurait octroyé le même genre de contrat au célèbre numéro 31, s’il avait dû en venir à tester son autonomie. Il me semble d’ailleurs avoir déjà lu un reportage où différents DG faisaient des déclarations en ce sens… Mais puisque je ne le retrouve pas, je vais me contenter de demeurer avec l’usage du conditionnel. Aussi, je vous rappelle que les 10.5M de Carey Price représente 13.21% du plafond de la prochaine campagne, soit une proportion assez semblable à celle accaparée par les 8.5M de Henrik Lundqvist, au moment de signer son dernier contrat qui entrait en vigueur en 2014 (12.32%). Pourcentage qui était également pratiquement le même, au moment de signer cette même entente en 2013 vs le plafond de cette année-là (13.22%… contre 14% pour Price).

Tant qu’à ça, pourquoi ne pas avoir comparé le nouveau contrat de Gibson à celui de Bobrovsky, deux fois récipiendaire du Vezina, et qui écoulera cette saison la dernière année (7.4M) à son entente ? Après tout, si on s’est permis de comparer les  2.46 et .918 – incluant la dernière saison de misère – de Carey Price, sans égard du nombre de matchs et de la situation de l’équipe, on peut sûrement faire la même chose avec le bon Bob et ses 2.44 et .920 ? Considérant qu’il est hautement improbable que Sergei Bobrovsky empoche moins à son prochain contrat, écrira-t-on « Encore une fois, à quoi pensait Jarmo Kekalainen ? »…


Après tout, tant qu’à s’extasier devant le nouveau pacte d’un gardien qui ne compte que deux campagnes de plus 50 matchs à son actif, aussi bien plonger encore plus profondément dans ce bassin d’inepties, n’est-ce pas ? Évidemment, pour vous offrir ce papier, ils n’ont pas jugé bon de parler des chiffres en séries des deux gardiens concernés… chiffres qui vont pourtant légèrement à l’avantage de Carey Price : .914 contre .912 et 2.53 contre 2.80…Bien sûr, on ne pouvait pas donner cette précision, sans quoi, ce passage serait alors devenu caduque :

« Cependant, s’il garde ce rythme, ses statistiques ne vont pas descendre tant que ça. Tout en restant supérieures à celles de Price »

Avec le même rythme, ça ne descendra pas tant que ça… Ok ! … Il peut se passer bien des choses, en 9 ans (la saison prochaine, plus les 8 années du prochain contrat de Gibson) ; Autant ce contrat pourrait devenir une vraie aubaine, autant ça pourrait devenir une bourde… Après tout, tous les gardiens peuvent traverser des moments plus difficiles !  Ils ne vous ont pas dit non plus que Ryan Miller a maintenu les mêmes chiffres que Gibson (2.35 et .928 contre 2.43 et .926)… Ça doit être à cause du nombre de matchs (28 contre 60)…. Pourtant, ça n’a pas d’importance, quand vient le temps de comparer Gibson à Price ! Pendant ce temps, signe que Price n’était pas dans son assiette, Antti Niemi le déclassait (2.46 et .929 contre 3.00 et .900)… j’ose croire que vous serez d’accord avec moi pour dire que cette situation était à tout le moins franchement inhabituelle. Et quand bien même que le gardien numéro 1 du Canadien ferait tout bonnement patate à nouveau; il n’en demeure pas moins que c’était tout à fait justifiable, au moment de signer ce fameux contrat… Chose que je suis tout à fait capable d’admettre, même si je n’étais pas particulièrement pour. Quand Carey Price va, tout va !

Bref, après avoir lu ce texte, laissez-moi vous dire que ce n’est pas Marc Bergevin qui est dans l’embarras…

C’est comme le fait d’avancer que ce contrat vient nuire aux autres positions, sans être en mesure d’étayer cette étrange affirmation… Bien sûr, on n’allait pas non plus comparer la défensive des Ducks à celle du Canadien, pourquoi se donner cette peine ? C’est vrai, pourquoi souligner que pendant qu’une des deux brigades devait composer avec la blessure de Weber, s’en remettant ainsi à Petry, Alzner, Benn et cie, l’autre pouvait miser sur des arrières de la trempe de Montour, Fowler, Lindholm et Manson ? Ils ont même pu se permettre de se départir de Sami Vatanen, en cours de route… Je ne sais pas pour vous, mais disons que j’aurais plutôt bien accueilli Vatanen ! 




En Prolongation
Alors, à quoi pensait Marc Bergevin ? Jonathan Audet s’est penché sur le sujet, le 18 juillet dernier :

Quelques précisions sur le contrat de Carey Price, et les comparaisons qu’on trouve un peu partout

 


Crédit image entête, Chris Carlson/AP via Sportsnet.ca



Tom L.D. MacAingeal
 

%d blogueurs aiment cette page :