La Parole aux Joueurs: La LNH de Ryan Murphy
Ce texte, publié en anglais sur le site Rabid Habs le 22 février 2016, fut le premier d’une série d’articles rapportant des histoires écrites par les joueurs mêmes qui les racontent. D’autres textes du même genre sont disponibles ici, et d’autres paraîtront sur Hockey Herald ces prochains mois.
Tout a commencé dans le temps de Noël, en 2010, je crois, à l’époque où je jouais senior à l’Île-du-Prince-Édouard.
Pendant une journée de magasinage, ma famille et moi sommes allés manger chez Dairy Queen. En attendant ma commande, j’ai aperçu une copie du journal, alors je me suis mis à le feuilleter et suis tombé sur un article au sujet de notre ligue: le club de Kensington venait d’acquérir un ancien joueur de la robuste LNAH dont le premier match allait avoir lieu le soir même, contre mon club, à Montague.
Je ne prévoyais pas participer à cette rencontre, mais après avoir lu ça, je me suis dit: « Merde. Ils sont allés chercher ce gars-là pour qu’il se batte contre moi. Faut que j’y aille, sinon je vais passer pour un pissou! » J’ai donc dit à ma famille de se dépêcher, que j’allais être en retard.
Je suis arrivé à l’aréna alors que la période d’échauffement était déjà commencée, donc je devais me dépêcher. Mon coach surgit dans la chambre et me dit: « il est ici pour toi. » J’ai l’estomac en compote. Je suis furieux qu’ils aient embauché un bagarreur de niveau professionnel juste pour se battre contre moi. Finalement, le combat a eu lieu. Au centre de la glace. On a tous deux jetés les gants et s’est élancé. Très bon combat, des deux côtés. Un de mes coups l’a fendu au visage, donc c’était plutôt sanglant. Je l’ai décidément pris par surprise, alors ce combat a pavé la voie à ce qui allait suivre.
Mon entraîneur de l’époque, Bernard Cheverie, a de nombreux contacts dans le hockey senior, y compris la LNAH. Je travaillais chez lui cet été-là et un jour, il m’a demandé: « serais-tu intéressé à faire quelques dollars supplémentaires en te battant? » J’ai rétorqué: « oui ». J’étais aux anges; évoluer dans cette ligue était pour moi un but à atteindre. Je savais que je pouvais me battre, mais la LNAH, c’était un autre niveau complètement!
Lors de mon premier weekend à Rivière-du-Loup (RDL), j’ai fait la route avec trois gars de Moncton et Fredericton pour un match pré-saison et dans l’auto, ils parlaient de hockey, du haut niveau de la LNAH, etc. J’avais un peu honte, car je n’avais joué qu’un peu de hockey senior, sans plus; dans ma jeunesse, j’étais plus intéressé à boire et faire le party qu’à jouer au hockey. Je jouais, mais n’étais pas plus motivé qu’il ne le faut, disons.
Conduisant vers RDL, j’écoutais les histoires des gars et devenais de plus en plus nerveux. Je me disais en moi-même: « Mais qu’est-ce que je fous ici, moi? J’ai pas besoin de ça! »
Mais j’avais les gars dans ma voiture, alors je ne pouvais pas rebrousser chemin. J’ai eu mal à l’estomac tout le weekend. Je n’ai rien mangé jusqu’à ce que je monte dans le bus après mon deuxième combat, le samedi soir. J’ai dû perdre 10 lbs, ce weekend-là!
J’étais un peu insouciant dans le bus, en route pour le match à Jonquière, mais pendant l’échauffement, j’ai regardé de leur côté et ils semblaient tous énormes à mes yeux. Puis, mon regard s’arrêta sur Gaby Roch. Juste à le regarder, je savais qu’il était l’un de leurs hommes forts, alors j’ai dit à mon coach, Éric Dandenault,« c’est lui que je veux. » « OK », répondit-il. Quelques minutes plus tard, pendant l’hymne national, je suis debout au banc et soudainement, quelqu’un lance un poulet cru sur la patinoire.
« Ces gens sont des hos*** de fous! » que je me dis. C’était super.
Gaby et moi sommes sautés sur la glace et on a jeté les gants. Ce combat, qui était l’un de mes meilleurs à vie, a cimenté ma place au sein de l’équipe pour entamer la saison régulière.
Vidéo: Mike Daud
Je n’oublierai jamais à quel point j’étais nerveux. « S’ils me demandent de jouer au hockey, je fais quoi? », que je me disais. « Je leur dis quoi? Que je ne suis pas assez bon pour jouer? » Haha!. J’avais plus peur de devoir jouer au hockey que d’avoir à me battre!
Une des premières expériences mémorables que j’ai vécues a eu lieu à Thetford Mines: je me suis battu contre Joël « l’Animal » Thériault. J’étais à la fois nerveux et excité à l’idée de me frotter à lui. Il a un style ouvert, exactement comme moi, alors je savais que ce serait un excellent combat et ce le fut.
Je me souviens que pendant le combat, il me parlait et je me disais: « Maudit malade. Je pèse 250 lbs et suis en train de te frapper! ». Il est coupé au-dessus de l’oeil et me dit de continuer! Haha!
Video: forumhockeythetford
Après le combat, nous sommes tous deux coupés au visage, nécessitant des points de suture. Je refuse d’aller à l’hôpital. Un type entre dans la chambre et dit:
« Je vais te recoudre, Ryan »
Moi: « Es-tu médecin? »
Lui: « Non, je ne peux pas te dire ce que je fais haha! »
Donc j’étais là, tenant une serviette sur mon visage, le sang qui continuait à couler. Ce type me fait cinq points, comme ça, sans me geler d’abord, rien. Dès qu’il est sorti de la pièce, j’étais seul et soudain, c’est comme si une vague m’a traversé le corps. L’adrénaline est tombée. J’avais mal. J’étais à Thetford, tout seul. Je voulais juste m’en aller chez moi.
Comme cerise sur le sundae, nous sommes arrivés à RDL à 4h00 du matin et étions logés dans un motel miteux. Le proprio avait fait une erreur et omis la réservation de ma chambre. Comme sa maison était adjacente au motel, je suis allé le réveiller, alors qu’il ne parlait pratiquement pas anglais. Finalement, je passai la nuit sur un lit dans son sous-sol. Visage enflé. Points de suture. Exténué. En beau « tab****** ». Mais en même temps, je venais de me battre contre une légende. Contre le meilleur bagarreur qui soit. De plus, je m’en étais assez bien tiré, alors j’étais plutôt fier de cette face maganée!
Le plus beau dans tout ça, c’est que j’ai appris par moi-même. Aucune leçon de boxe. Rien d’autre que de nombreuses bagarres dans les bars, principalement. Avant de jouer au Québec, je n’avais pris part qu’à trois ou quatre vrais combats où on jette les gants et se bat ouvertement, donc je crois que dans les circonstances, je me suis assez bien débrouillé. Juste le fait d’obtenir un essai, pour moi, était quelque chose.
Une fois, dans le bus après un match, Rick, mon coach, vient me voir et me demande:
« Murph, viens ici. Quand tu te bas, où agrippes-tu ton adversaire? »
« Peu importe où je peux l’attraper », que je réponds.
« Tu devrais agripper son épaule ici », réplique-t-il. « Comme ça, il est plus difficile pour eux de te frapper. »
Cependant, mon style est plutôt d’agripper ce que je peux et m’élancer avec abandon. Je m’en fous s’ils me frappent, en autant que mes coups fassent plus mal que les leurs!
Après avoir évolué dans la LNAH pendant quelques années, j’ai compris que le plus dur combat est dans notre tête. La bagarre sur la glace, c’est la partie facile et amusante. Je ne parle jamais beaucoup avant un combat; je me concentre plutôt sur ce que j’ai à faire.
J’ai l’estomac à l’envers. Je me sens malade. Je sue à grosses gouttes. Mais dès que je saute sur la glace, mes soucis et ma nervosité disparaissent. J’ai l’impression de me délester d’une tonne de briques.
J’adore ce feeling. Il survient lorsque je suis sur le point de faire ce que j’aime! Ma famille déteste que je le fasse, mais je lui envoie ensuite des photos autographiées par moi avec des fans qui voulaient poser en ma compagnie. Je n’avais jamais vécu cela, par le passé.
Un chiropraticien dans le vestiaire.
Quelqu’un pour aiguiser mes patins.
Ils lavent même mes sous-vêtements après chaque match.
Ceci est mieux que tout ce que je pourrai connaître dans le hockey.
Ceci est ma LNH.
Hockeyment vôtre,
Ryan Murphy
Crédit image entête, courtoisie