Légendes d’hier, légendes de demain
Lorsqu’Andrei Vasilevskiy, le magistral portier du Lightning de Tampa Bay, a éliminé les Maple Leafs… Puis les Panthers… Toute la planète hockey était en extase devant ce dieu vivant. En même temps, comment en vouloir aux amateurs subjugués ?
Ses statistiques sont absolument mirobolantes ! Mine de rien, juste cette année, il cumule une fiche de huit victoires et trois défaites. Plus encore, il a su maintenir une moyenne de buts alloués de 2.23 et une moyenne d’efficacité de ,932. Là où la raison est vertement défiée voir bafouée, c’est lorsqu’on s’attarde à comment le cerbère russe se comporte lors des matchs décisifs, soit les plus importants, surtout quand on pense à la série éliminatoire opposant le Lightning aux Maple Leafs où il s’agissait d’un match ultime. Si Vasilevskiy avait connu un match en deçà des attentes, une défaite aurait pu signifier une élimination. La pression était donc au rendez-vous.
En même temps, je vous entends déjà me dire que les Bolts ne sont pas les Canadiens, en ce sens qu’ils peuvent gagner, même si le gardien de but ne vole pas le match à lui-seul. Ils ont tellement de talent, tant à l’attaque qu’à la défense, qu’il n’est jamais question de : »S’il marque plus de deux buts, les carottes sont cuites, car notre offensive ne parviendra jamais à en faire autant. »
En effet, lors des six derniers matchs décisifs, l’athlète masqué, un peu tel un superhéros, a reçu pas moins de 200 tirs et n’a alloué qu’un seul petit but. Oui. Il y a beaucoup de joueurs et d’équipes qui, lorsque la pression glisse sur leurs épaules, ils s’effondrent comme les Maple Leafs qui, je le rappelle, n’ont pas franchi le premier tour éliminatoire depuis 2004. Dans cette même phrase, je ne peux passer sous le silence le parcours éliminatoire chaotique des Panthers de la Floride. Comment expliquer que l’équipe se soient présentée de façon si démunie et décousue, alors que ça comptait vraiment ? Ça, c’est le sujet d’un autre article…
Toujours est-il que, lorsque ça compte vraiment, Vasilevskiy semble entrer en état de grâce et devient absolument intraitable. Imaginez un tel gardien, quand on lui rajoute un défenseur en lice pour le prix du meilleur défenseur de la ligue… Pour une sixième année consécutive (!!!), une attaque dévastatrice et un entraîneur qui, on va se le dire, est franchement excellent. Les deux conquêtes… Et possiblement la troisième… Conquêtes de la Coupe Stanley consécutives ne sont pas le fruit du hasard. Ça me peine de l’affirmer, mais ils ont une machine de hockey à faire frémir toutes les autres puissances. Nous l’avons vu face aux Panthers.
C’est lorsque le Lightning a balayé son rival floridien que les critiques, les amateurs et spécialistes ont commencé à parler du dernier match décisif de la formation bicolore comme de la meilleure performance de gardien de but de tous les temps. C’est alors que certains ont placé le gardien de but dans la même classe que : Gretzky, Jordan et les plus grands de tout sport confondu, tant il occupe une place centrale au cœur d’une (actuelle / éventuelle) dynastie.
C’est à ce moment où je sourcille.
Est-ce seulement moi qui ai de la difficulté à comparer les plus grandes légendes d’un sport… Imaginez les plus grands de tous les sports… À des joueurs actuels. En même temps, je les vois les chiffres. Je viens même de vous en relater, mais est-ce seulement moi qui crois qu’il faut laisser les légendes tranquilles ?
J’en reparle, à l’occasion, de quand Carey Price qui était déjà vu comme le Messie masqué. Lors des tout premiers matchs du jeune gardien, on annexait ses résultats en temps réel à ceux de Patrick Roy au début de sa glorieuse carrière. Comment broyer quelqu’un sous la pression ? Et non, son salaire élevé n’aide en rien à faire face à la pression. Si ça se trouve, ça en rajoute une couche, car beaucoup s’attendent à la perfection et à l’infaillibilité. Normal, il est bien payé.
Dans le même registre, c’était, je crois, il y a deux ans ou, entre vous, moi et la boîte à bois, le Canadien était entré en séries éliminatoires par la porte d’en arrière. En raison de la pandémie, cette année-là, 24 équipes au lieu de 16 participaient à la « valse du printemps ». Le Canadien s’était classé 24e sur 31 formations. Comme dirait l’autre : »ça regardait drôle un peu… ». Pourtant, les médias s’étaient fait un devoir de tracer des parallèles entre cette édition qui ne passera malheureusement pas à l’histoire et celle de 1986, oui, celle qui a remporté la 23e Coupe Stanley de l’histoire du club.
Ça me faisait honnêtement penser à quand ma femme et moi essayions de tomber enceinte. Elle, pas moi. Moi, j’ai déjà le bedon. Chaque mois, même plusieurs fois par mois, on s’écarquillait les yeux dans l’espoir de voir deux petites lignes roses nous annonçant une grossesse. Chaque fois, à regarder ledit test avec lampe de poche, lumière encastrée, application servant à inverser les couleurs pour voir toute trace de couleur plus facilement et toute la bonne volonté du monde, on finissait par l’halluciner tant on voulait la voir. Évidemment, la vie, comme c’est son travail, nous ramenait chaque fois à la réalité de façon froide, mais honnête… Un peu comme un véritable ami qui ne donne pas trop dans la diplomatie… Ou comme un enfant finalement haha !
Dans les journaux, comme avec les tests de grossesse, comme une personne amoureuse recherchant le moindre signe subtil d’affection, on finit toujours par trouver ce qu’on cherche, mais c’est souvent dans une réalité parallèle. Tôt ou tard, il faut revenir « sur le plancher des vaches ». À l’image de quand on tombe, plus on tombe de haut, plus ça fait mal.
En même temps, je ne suis pas dupe, je comprends la nécessité de rêver, de nourrir l’espoir. Et c’est précisément à ça que servent ces histoires où la raison et la logique sont terrassées. Par exemple : la conquête des Blues de St-Louis de 2019. Cette même équipe qui, au début de l’année, croupissait au 31e échelon du classement général, mais qui sont parvenus à remporter la précieuse Coupe. Je ne peux ne pas parler du Miracle sur Glace de 1980 à Lake Placid, où des joueurs amateurs américains ont vécu la puissante Union Soviétique qui régnait jadis en roi et maître sur la scène internationale. Des histoires comme ça, il s’en passe régulièrement. C’est d’ailleurs ce qui fait de ce sport, à mes yeux, le plus beau au monde. Par contre, chaque fois où quelqu’un tente de tracer un parallèle avec une histoire glorieuse et mythique…
Et une situation souvent critique d’où le besoin d’insuffler la magie…
Dans ma tête, ça ressemble à un ordinateur : »Error 404: page not found ». Ou, comme le chantait Dédé Fortin « j’su fait’ comme un ordinateur « Sorry, no compute. ». Je ne peux me résoudre à tracer un parallèle entre la légende et les meilleurs joueurs de l’histoire et les joueurs actuels.
D’un autre côté, si je me fais l’avocat du diable, le hockey a beaucoup… Beaucoup… Beaucoup évolué, depuis que les légendes des années 50-60-70 et même 80 ont joué. À ce sujet, je me souviens des séries éliminatoires d’il y a deux ans. Plus spécifiquement, je me souviens de Joe Pavelski, des Stars de Dallas, qui a dépassé Maurice Richard avec un 12e but en séries, ce qui constituait un record pour un joueur de 36 ans et plus. Franchement, c’est prodigieux. L’attaquant qui avait joué en deçà des attentes lors du calendrier régulier, s’était avéré une pièce centrale de la formation texane lors de son parcours qui s’est terminé en grande finale… Face au Lightning (et un certain Vasilevskiy) qui remportait sa première de deux Coupes d’affilée. Toutefois, comparer Pavelski à Maurice Richard était pour moi comparable à un sacrilège, une hérésie. Pavelski est excellent, mais Maurice Richard… C’est un dieu du hockey, surtout au Québec, d’où je vous écris. C’est en me promenant sur les divers blogues sportifs, dont le Hockey Herald, que j’ai vu un commentaire de qui j’ai oublié l’auteur, mais qui a changé ma mentalité. L’auteur du commentaire écrivait : » Maurice Richard jouait contre des facteurs. » Et, même s’il existait forcément des prodiges dans les années 40 et 50, il est vrai que, à l’époque, il n’était pas rare qu’un joueur occupe un autre emploi en-dehors du hockey. Richard lui-même une fois le calendrier terminé, livrait de la bière chez Molson, comme le personnage l’incarnant le clamait dans la série portant sur Jean Béliveau. Sinon, dans le film de Charles Binamé, avec Roy Dupuis qui lui prête ses traits, on voit le Rocket travaillait dans une usine lorsqu’il ne jouait pas.
Toujours à ce propos, je me souviens d’une chronique de quelqu’un que j’estime beaucoup, le coloré Christian Tétreault, à l’époque où on l’entendait aux Grandes Gueules. Au cours d’une chronique, il disait : »Dans les années 70, le calendrier hors-concours servait à permettre aux joueurs de retrouver la forme, après avoir passé l’été à claquer des balles de softball, à pêcher et à prendre un coup. À l’époque, un joueur qui aurait passé l’été à s’entraîner aurait été vu comme un véritable malade mental. »
Maintenant, dès la naissance ou presque, les joueurs (les enfants) sont soumis à des entraînements intensifs, de manière soutenue, souvent sans répit. Rajoutez à ça les milliers de cours de spécialisation, les camps d’été, les préparateurs physiques, les nutritionnistes, les psychologues sportifs et tout ce qui est possible pour un joueur désirant s’améliorer. Les joueurs arrivent donc dans la Ligue nationale dans une forme olympienne et avec des compétences ahurissantes.
N’oublions pas non plus une autre différence majeure entre le hockey des années 50-60-70 et celui des années 2000, qui est celle de l’évolution de la position de gardien de but. Lorsque vous recevrez des images d’archives du hockey de ces années, attardez-vous au positionnement du gardien de but. Souvent, il est debout et semble pris à contrepied… Un peu à l’image d’un parent malhabile qui joue avec ses enfants. Ok, c’est tout à fait à mon image. C’est au cours des années 80, grâce à un certain Patrick Roy et de son entraîneur de gardien de but, François Allaire, que la position a été révolue grâce à la révolution du style papillon. Du propre aveu de l’entraîneur de « Casseau », la position du papillon existait déjà, mais il l’a mise au goût du jour. Au fil du temps, lui et ses protégés en ont fait un système. Ils l’ont rendue plus uniforme. Depuis, les portiers sont bien mieux positionnés et couvrent bien mieux les angles, ce qui n’est pas sans compliquer la tâche des attaquants.
Rajoutez à cette notion celle que, maintenant, les virtuoses du disque affluent de partout dans le monde. S’il a fallu être patient, avant que les Européens changent le visage de la Ligue, maintenant, ils sont légion. C’est donc contre des joueurs… Et contre 30 autres équipes, plutôt que cinq… Que Pavelski a dépassé Maurice Richard.
Non, je ne crois toujours pas qu’il faille mêler les légendes à n’importe quel quidam venu, mais il ne faut pas non plus balayer du revers de la main tout athlète actuel sur le simple fait… Qu’il est actuel. S’il est vrai que, en vieillissant, on a tendance à idolâtrer le passé, il ne faut pas non plus fermer les yeux sur ce qui se passe devant nous, car le présent d’aujourd’hui sera le hier de demain.
Vous, qu’en pensez-vous ?
Pour vous abonner au Herald, suivez ces liens : Facebook , Instagram et Twitter. Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager !
En Prolongation
Wright-Slafkovsky : un air de déjà-vu
Crédit image entête, NHL.com
Sources:
https://www.tvasports.ca/2022/05/26/andrei-vasilevskiy-est-un-athlete-unique—frantz-jean
https://www.tvasports.ca/2022/05/25/vasilevky-compare-a-jordan
https://www.toutsurlehockey.com/hockey/joe-pavelski-surpasse-wayne-gretzky-et-rejoint-maurice-richard-dans-un-palmares-interessant/