Quand les « si » mangent les rêves…

Encore cette année, la même histoire se répète. Non, je ne parle pas du Canadien qui, après un bon début de saison, retombe dans ses vieilles habitudes à ce temps-ci de l’année. Non, car cette année, même le bon début de saison, celui grâce auquel le club arrive généralement à se classer in extremis, au dernier affrontement du calendrier régulier, pour les séries éliminatoires, n’était pas au rendez-vous. Ici, quand je fais référence au jour de la marmotte, je fais allusion au monde du hockey, comme le reste du monde du sport, qui est en suspens en raison des différentes mesures sanitaires.

*Je ne suis toutefois pas ici, pour en discuter la validité de ces dernières.*



Néanmoins, sans ramener une énième fois le débat, voire le combat, autour de leur raison d’être, on ne peut nier le fait qu’elles auront de grandes conséquences sur la carrière de nombreux joueurs, voire de nombreuses concessions. Je m’explique.

Je vous ramène au printemps 2020: le Phoenix de Sherbrooke est meneur au classement du hockey junior canadien… Pas seulement au chapitre de la LHJMQ. Le jeune club qui est revenu en Estrie, en 2012, après une absence de neuf ans, a réussi à se monter une puissante équipe notamment menée par le (je l’espère sincèrement) futur joueur des Penguins de Pittsburgh, Samuel Poulin. Le Phoenix qui est quasi invincible à domicile est en droit de croire à ses chances, pas seulement de remporter la Coupe du Président, la consécration du hockey junior québécois, mais aussi la Coupe Memorial, le titre suprême du hockey junior canadien.

Le commissaire, Gilles Courteau, dira : » C’est l’une des décisions les plus difficiles que j’ai eue à prendre, dans ma carrière. Toutefois, avec l’évolution de la crise, dans les derniers jours, il n’y avait plus de scénarios potentiels dans lequel la tenue des séries éliminatoires était réaliste. Il s’agit d’un épisode extrêmement difficile pour notre société et ce triste épisode va bien au-delà des frontières du hockey. »

Toutefois, peu importe à quel point il avait raison, le fait est que le Phoenix était en droit de croire en ses chances de ramener le précieux trophée enfin. À trois reprises, les Castors de Sherbrooke ont remporté la Coupe du Président. En 1975, 1977 et 1982. En 1982, la troupe sherbrookoise s’est inclinée en finale de la Coupe Memorial face aux Rangers de Kitchener. Enfin, la troupe sherbrookoise était « équipée pour veiller tard », mais que faire lorsque la compétition en entier est annulée ? Le problème, lorsque ce genre de situation survient au niveau junior, est que les joueurs alors âgés de vingt ans ne peuvent revenir l’année suivante pour retenter l’expérience. Ce qui devait arriver arriva : les joueurs de vingt ans sont passés à l’étage suivant de leurs cheminements respectifs, car pour eux comme pour le reste du monde, le cadran continue de tourner même si le monde est sur « pause ».

On a donc ici un excellent exemple de ce que mon titre signifie : le rêve était de remporter le titre de champion québécois, puis de champion canadien, mais à cause des « si le nombre de cas ne baisse pas… », « Si on favorisait la contamination… » Ou « si, avant une telle date, la situation n’est pas résorbée… », le rêve s’est envolé. En même temps, il va sans dire que cette bannière de champion canadien est une source de fierté pour toute l’organisation ainsi que la région et un prodigieux exploit en soi, surtout pour une équipe de moins de dix ans, mais ce n’était pas exactement celle qui était visée de prime abord.



Un autre exemple du genre qui me vient à l’esprit est le lock-out de 2004-2005. Survenu suite à l’échéance du précédent contrat de travail et surtout en raison d’un différend autour du désir des propriétaires d’implanter un plafond salarial ainsi qu’en raison de plusieurs points litigieux concernant le partage des revenus, cette querelle opposant les joueurs aux propriétaires a ultimement mené à l’annulation complète de la saison de hockey.

Même si c’était le quatrième conflit de travail depuis la saison 1994-1995 où la saison fut écourtée, ce fut la première fois, depuis 1919 (cette fois, en raison de la grippe espagnole) que la Coupe Stanley ne fut pas attribuée.

Avant que cette guerre n’éclate, c’était tout à fait normal que les Sabres de Buffalo avec une masse salariale de 32 millions de dollars affrontent les Red Wings de Détroit qui, eux, disposaient d’une masse salariale de 77 millions de dollars. Il faut avouer, sans insinuer que je cautionne quoi que ce soit, que nous sommes loin de la polémique autour du salaire retenu de Kucherov (et celui de Gaborik qui n’a pas joué depuis la saison 2017-2018) au cours de la saison dernière. Cependant, bien qu’il ne fut pas parfait, le système antérieur sans plafond salarial, a démontré hors de tout doute qu’on ne peut acheter des championnats, car les Rangers de New York et leur masse salariale de 76 millions de dollars n’ont même pas réussi à accéder aux séries éliminatoires à la suite d’une saison difficile où les Blueshirts ont compilé une fiche de 27 victoires et 40 défaites dont seulement 13 gains à domicile.

Vous souvenez-vous qui a remporté le titre, en 2004, soit avant que la guerre n’éclate ? Eh oui, le Lightning avec une masse salariale de 34 millions de dollars. Oh, c’est sûr que l’argent facilite drôlement les choses, mais comme le disait justement autrefois la publicité d’une certaine carte de crédit. Il y a des choses qui ne s’achètent pas.



Pour tout le reste, il y a… Par exemple : un Martin St-Louis, un Vincent Lecavalier ou un Brad Richards, ça ne s’achète pas. Une chimie, un esprit d’équipe, de bons leaders, un gardien en état de grâce ou des recrues avec du coeur au ventre non plus, on ne trouvait pas ça, « su » Sears. C’est inévitable, au cours de cette saison annulée, plusieurs joueurs en fin de parcours ont juste décidé d’accrocher leurs patins, soit parce que leur cadran, voire leur horloge biologique de leur côté, n’a pas arrêté de tourner et que le corps ne pouvait juste plus suivre le rythme, ou bien parce qu’ils ont juste pris goût à rester auprès de leur famille. Peu importe la raison, car c’en sont toutes des excellentes, plusieurs joueurs pour qui il s’agissait de leur dernière saison, leur dernière chance, ont juste décidé de prendre leur retraite prématurément, sans pouvoir essayer une dernière fois. Qui sait ce qui aurait pu arriver ? Encore ici, le rêve étant de remporter la Coupe Stanley a été assassiné par les « si on implante un plafond salarial », « si on s’entend sur la façon de partager les revenus » ou le « si on parvient à s’entendre avant le… ».

Je ne m’en cache pas; je lui ai même dédié un texte complet, mais je suis éberlué par le talent, par la constance, par la « gr8ness », par le rythme endiablé du Tsar, le « Gr8 », Alexander Ovechkin. Lui qui tente inlassablement de dépasser la Merveille, Wayne Gretzky, au chapitre des buts marqués. Au risque de me répéter, malgré ses 36 ans, ce qui est relativement âgé pour un joueur professionnel de hockey. Juste à titre de comparatif, au début de la dernière saison, les Stars constituaient l’équipe de la ligue avec la plus haute moyenne d’âge de tout le circuit. Savez-vous quelle était cette moyenne? 30.2 ans. Maintenant, savez-vous quelle équipe détenait la plus basse moyenne d’âge parmi les 32 équipes? Les Devils, avec une moyenne de 25.0 ans. Dans les deux cas, nous sommes loin du 36 ans d’Ovechkin. Maintenant, imaginez que ce même joueur qui n’a plus 20 ans (ni même 30 ans), de surcroît, soit le deuxième meilleur marqueur de la ligue et le troisième au chapitre des points (au moment où j’écris ces lignes).

C’est tout bonnement ahurissant. Ce joueur compte plus de 750 buts en carrière, malgré la saison annulée de 2004-2005, car le flamboyant attaquant russe a été repêché en 2004, une saison écourtée à 48 matchs, en 2012-2013 en raison d’un autre conflit de travail. À cela, rajoutez la saison de 56 matchs, l’année dernière. Cette année, bien malin est celui qui peut prévoir ce qui se passera. J’ai du mal à concevoir, dans l’état actuel des choses, que tous les matchs reportés auront lieu… À moins d’encore décerner le précieux trophée en juillet… Ce qui tomberait presque en même temps que le championnat mondial de hockey junior de hockey ?



C’est complètement surréaliste. Dieu merci, cette année, la Coupe du monde de soccer se tiendra en novembre et en décembre, au Qatar, cette année. Voilà qui résume bien l’absurdité ou du moins l’ironie dans laquelle nous pataugeons présentement: un championnat de hockey en juillet-août et le championnat de soccer en décembre. En même temps, je comprends que les températures moyennes au Qatar varient entre 34 degrés Celsius et 40 degrés Celsius. Ce serait donc dangereux de tenir une compétition sportive dans ces conditions, mais c’est pour le moins surprenant.

Enfin, bref, peu importe ce qui se passe dans le monde du hockey ainsi que dans le monde tout court, « Ovi » continue d’avancer tel un train, voire un char d’assaut, malgré tous les chambardements qu’il rencontre. Je suis désolé de ramener ce point, mais au cours de cette fameuse saison de 56 matchs, Washington n’a jamais affronté aucune équipe canadienne. Sans dire qu’elles sont tous mauvaises, disons que le capitaine des Capitals aurait certainement pu aider sa fiche et sa quête du record. On sait qu’il obtient généralement du succès contre la Sainte-Flanelle et que dire des autres clubs du Canada pour qui, eux non plus, ce n’est pas toujours facile. Au cours de cette saison aussi normale que le reste de la planète, finalement, les Capitals ont joué tous leurs matchs contre : les Sabres, les Devils, les Islanders, les Penguins, les Flyers, les Bruins et les Rangers. Entendons-nous pour dire que ce ne sont pas tous des équipes de fond de classement ! Malgré tout, le Capitaine de la capitale américaine s’est présenté chaque match avec la même rage au ventre et la même passion ardente de gagner.

Honnêtement, je crois qu’il peut arriver à abaisser la marque de Gretzky… Si la vie peut lui donner une chance. De son côté, Gretzky n’a connu qu’une courte grève de 10 jours, au cours de la saison de 1991-1992, saison au cours de laquelle néanmoins 80 parties ont été disputées. Sinon, au cours de la saison 1994-1995, un autre conflit de travail éclata réduisant du même coup le calendrier régulier à 48 matchs. Au cours de sa carrière de plus de 20 ans, le prodige canadien a, somme toute, été très chanceux en ce sens. Ovi, pour sa part, l’a… Et l’est toujours… Un peu moins, mais, à mon sens ça ne rend que ses exploits encore plus phénoménaux.



Maintenant, imaginez si le légendaire joueur européen ne parvenait pas à battre le record de buts qui perdure depuis plus de 20 ans, si son rêve s’évanouissait devant ses yeux. Pourrait-on dire: « s’il avait pu jouer des saisons complètes… », « S’il avait pu jouer de façon égale contre toutes les équipes… », « S’il n’y avait pas eu de pandémie » ou « s’il n’y avait pas eu de conflit de travail… »

Même si ça ne touche pas au merveilleux monde du hockey, je ne peux m’empêcher à la grève dans la ligue majeure de baseball en 1994-1995, autre conflit de travail qui mena à l’annulation des séries d’après-saison. Là où le bât blesse davantage, est lorsqu’on se souvient qu’au déclenchement de la grève, les Expos de Montréal étaient les meneurs au classement dans la section Est de la division Nationale, forts d’une fiche de 74 victoires et 40 revers. Un peu à l’image du Phoenix de Sherbrooke de 2020, c’est bien beau, mais pour le titre, on ne peut en parler qu’avec des « si », car les rêves ont été coupés comme avec une scie sans merci. Dans le cas des « Z’amours », le surnom des Expos, la suite des choses a été simulée avec un ordinateur…

Je rappelle que nous sommes en 1995…

Mais ça ne sera jamais comme en vrai. La preuve, j’ai souvent gagné la Coupe Stanley à NHL (EA Sports… Tsénégame), mais dans la vie, je ne sais même pas patiner ! Idem pour tous ceux qui ont vu, qui voient et qui verront leurs rêves s’envoler en raison de « si… », de conditions, de défis supplémentaires, comme si le monde du sport n’était pas suffisamment compétitif ainsi. Malgré tout, je lève ma liqueur à ceux et celles qui, malgré tout, en dépit des « si » et des « quand », gardent les yeux rivés sur leur objectif, n’attendant qu’une occasion, une toute petite chance, de partir à sa conquête, au même titre qu’un fauve en cage qu’on libère. Record, attelle-toi… Ils arrivent…

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En Prolongation

La gloire à tout prix !





Crédit image entête, André Émond/LHJMQ



Sources:

Le Phœnix remporte le trophée Jean-Rougeau

https://www.tvanouvelles.ca/2021/12/30/lhjmq-la-pause-se-prolonge

https://lhjmq.qc.ca/article/la-lhjmq-annule-les-series-de-la-coupe-du-president-2020

https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/297468#La_premi.C3.A8re_franchise

NHL’s 2004-05 Lockout Still Affecting League

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Saison_2004-2005_de_la_LNH

https://www.lepool.com/nhl/joueurs

https://www.journaldemontreal.com/2021/12/04/un-750e-but-en-carriere-pour-ovechkin

https://voyage.lachainemeteo.com/meteo-voyage/pays-144/meteo-au-qatar-en-juillet

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Coupe_du_monde_de_football_2022

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Saison_2020-2021_de_la_LNH

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Wayne_Gretzky

https://www.journaldemontreal.com/2020/04/15/les-expos-de-1994-champions-1

David Leboeuf
 

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